L'Assemble cherche des solutions pour amliorer l'accs aux droits
L'Assemblée nationale organisait, le 5 février, un débat sur la question de l'accès aux droits sociaux. Symboliquement, celui-ci se tenait le jour même où 700.000 nouveaux bénéficiaires de la prime d'activité percevaient leur premier versement, après la réforme de cette dernière décidée par Emmanuel Macron. Mais, en ouverture du débat, Brigitte Bourguignon, la présidente (LREM) de la commission des affaires sociales, a rappelé que "seuls 3,5 millions de foyers ont perçu aujourd'hui la prime d'activité sur les 5 millions de foyers éligibles. Autrement dit, près du tiers des foyers qui devraient bénéficier de la prime d'activité ne la perçoivent pas, parce qu'ils ne savent pas, parce qu'ils n'osent pas, parce qu'ils sont tellement loin, parce qu'ils ont décidé que ce n'était même plus pour eux". Ce n'est pas la première fois que l'Assemblée se penche sur la question. Un débat similaire avait ainsi eu lieu au début de 2017, lors de la précédente législature (voir notre article ci-dessous du 17 janvier 2017).
Le problème, "c'est tout l'écosystème qui entoure les droits sociaux"
Brigitte Bourguignon a rappelé les raisons, déjà bien documentées, qui expliquent le non-recours aux droits : la complexité du système français de prestations sociales et "l'organisation des différents réseaux en silos avec un enjeu fort de gouvernance", la méconnaissance pure et simple des droits, "l'éloignement des services publics et les inégalités d'accès liées à la dématérialisation" (récemment pointées du doigt par le Défenseur des droits), mais aussi "un renoncement volontaire, par honte sociale ou peur d'être stigmatisé". La présidente de la commission des affaires sociales a également évoqué le lancement de l'élaboration du revenu universel d'activité, avec en particulier la récente nomination d'un rapporteur général chargé de préparer cette fusion de plusieurs prestations, dont le RSA et l'APL (voir notre article ci-dessous du 24 janvier 2019).
Malgré de nombreuses digressions sur des sujets liés à la crise sociale mais sans rapport avec l'accès aux droits (taxes sur l'essence, 80 km/h, CSG, fraude fiscale...), le débat s'est ensuite installé entre les députés, mais dans un hémicycle presque vide, comme l'ont souligné plusieurs intervenants. Ceux-ci ont notamment pointé le déficit d'information et de pédagogie, les inégalités territoriales dans l'accès aux droits, une trop grande complexité des démarches à la charge du bénéficiaire, mais aussi des lacunes dans l'accompagnement. Conclusion de Nathalie Elimas, députée (Mouvement démocrate) du Val d'Oise : "Ce ne sont donc pas les droits sociaux en tant que tels qui sont problématiques, mais tout l'écosystème qui les entoure."
La simplification et la numérisation ne suffiront pas
Pour sa part, Gisèle Biémouret, députée (PS) du Gers, a rappelé son rapport de 2016 (voir notre article ci-dessous du 17 janvier 2017) et sa proposition de "faire des conseils départementaux les chefs de file uniques de la lutte contre le non-recours". Agnès Firmin Le Bodo, députée (UDI, Agir et Indépendants) de Seine-Maritime, a plaidé pour une approche globale, en rappelant que "non-recours, indus, fraudes sont liés et [que] les approches des politiques publiques doivent combiner ces aspects pour plus d'efficacité et d'équité sociale".
De son côté, Caroline Fiat, députée (France insoumise) de Meurthe-et-Moselle, a préféré dénoncer l'évasion fiscale, les "cadeaux aux entreprises" et les mesures du gouvernement, tandis que Sébastien Jumel, député (Gauche démocrate et républicaine) de Seine-Maritime, rappelait qu'"on compte chaque année 5,3 milliards d'euros de RSA qui ne sont pas dépensés, et [qu']un salarié du privé sur cinq renonce à un arrêt maladie pourtant prescrit". Il juge notamment que la simplification et la numérisation ne suffiront pas à régler "le problème du renoncement aux droits".
Quelle place pour les départements ?
Sylvia Pinel, députée (Libertés et Territoires) du Tarn-et-Garonne, a estimé au contraire qu'en ramenant le taux de pauvreté de 24% à 14%, "notre système de protection sociale remplit globalement sa fonction", mais que "pour autant, il demeure largement perfectible, tout d'abord parce qu'il manque de lisibilité". Elle s'est aussi interrogée sur la place des départements au sein du futur dispositif du revenu universel d'activité.
Pour sa part, Amélie de Montchalin, députée (LREM) de l'Essonne, a affirmé que "l'urgence est de lever les barrières administratives liées à la complexité inouïe du système que nous avons construit au fil des années", afin de "passer des droits formels à des droits réels". Pour cela, il faut notamment "repenser rapidement et concrètement le parcours d'accès aux aides sociales" et "revoir en profondeur la question du 'point d'entrée' dans notre système social".
Un "vaste chantier" de modernisation de la délivrance des prestations
Dans sa réponse, Christelle Dubos, la secrétaire d'État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé - qui remplaçait au pied levé Agnès Buzyn, aphone - a rappelé que "la complexité de notre système de prestations sociales n'était pas en soi illégitime : historiquement et par définition, elle est d'abord liée à la nécessité d'adapter le montant des aides à la diversité des besoins et des situations. Mais cette complexité est parfois superflue et surtout, elle peut être dangereuse" car elle "crée des trappes à pauvreté en n'incitant pas à reprendre une activité". En effet, "les allocataires ne sont [...] pas toujours en mesure de savoir si la reprise d'un emploi améliorerait réellement leur situation financière".
En matière de solutions, Christelle Dubos a évoqué l'engagement d'un "vaste chantier de la modernisation de la délivrance des prestations sociales", incluant notamment la "contemporanéisation" des ressources prises en compte pour l'ouverture des droits, les échanges d'informations entre organismes (en particulier sociaux et fiscaux) et la déclaration unique de ressources pour toutes les prestations. Ce chantier "très ambitieux" doit être mené à terme "avant la fin de 2020".
Au-delà de ces mesures, la simplification passera aussi par "la création du revenu universel d'activité sous conditions de ressources, fusionnant le plus grand nombre possible de prestations, par une loi qui sera votée en 2020". Cette réforme s'accompagnera d'une "refonte de nos politiques d'accompagnement et d'insertion à travers la constitution d'un véritable service public de l'insertion".
Le papier n'a pas disparu...
Répondant ensuite aux questions des députés, Christelle Dubos a indiqué, entre autres, qu'on ne pouvait se satisfaire "de ce que 40% des bénéficiaires du RSA ne soient pas orientés six mois après le premier versement de cette aide". Sans répondre explicitement sur le rôle des départements dans le revenu universel d'activité, elle a affirmé que "les départements sont les acteurs majeurs de l'accompagnement des bénéficiaires du RSA. Pour cette raison, la stratégie que nous portons promeut un modèle de contractualisation entre l'Etat et les départements".
Tout en confirmant l'orientation vers la dématérialisation qui "facilite le recours pour une écrasante majorité d'allocataires", Christelle Dubos s'est dite "très attentive à ce que le numérique ne soit jamais un frein dans l'accès aux droits". Elle a notamment rappelé que "les organismes, en particulier les caisses d'allocations familiales, ne délaissent ni l'accueil physique ni l'accueil téléphonique. Ils consolident un maillage territorial adapté aux besoins de proximité, le cas échéant, avec d'autres partenaires comme les maisons de services au public, même si, bien entendu, des progrès restent à faire". De même, "des formulaires sur papier restent disponibles pour l'ensemble des demandes de prestation. C'est bien le cas pour la prime d'activité ou le RSA".
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